La pag'oj de Goelano Les pages de Goéland

513. Humoraj tekstoj. Textes humoristiques

 

5131.

Sur la mort d'un Trappiste ...

Couvent Belle Fontaine

Le Supérieur,

Mes chers amis,

Un grand et irréparable malheur vient d'arriver au couvent, et j'ai la pénible mission de vous en faire part : la mort de notre bon père l'Abbé Quille.

Mardi dernier, pendant que l'Abbé Nédiction sonnait le salut, l'Abbé Quille est tombé dans les bras du Père Iscope, qui ne sut plus où donner de la tête. L'Abbé Quille ne se relevait pas : vous pouvez juger de l'émotion générale. On alla chercher le Père Chlorure et le Père Manganate pensant que leurs efforts pourraient le ranimer, mais le Père Emptoire déclara sans ambages qu'il n'y avait plus d'espoir. Ce fut l'Abbé Résina, qui le premier éclata en sanglot. L'Abbé Cquée, notre chef cuisinier, en perdit l'appétit. On ignore la cause exacte du décès, bien que le Père Fide ait suggéré que le Père Itoine ou le Père Oné y fussent pour quelque chose.

Le lendemain, les Pères furent appelés à la cérémonie funèbre par les cloches de l'Abbé Hi, sonnées à toutes volées par le Père Sonnalité, le plus important de la communauté. Laissant le Père Uquier qui les rasait avec des exhortations de circonstances, ils se dirigèrent vers la chapelle. Le Père Choir monta en chaire, suivi par le Père Oquet. L'Abbé Gueule, qui lui succéda, parla avec sa véhémence coutumière, soutenu par le Père Oraison et le Père Cutant, qui ne mâcha pas ses mots. Le Père Iphrase, lui, n'en finissait plus. Pendant ce temps, l'Abbé Cédaire cachait son chagrin en plongeant le nez dans son lutrin.
Au cours de la cérémonie, c'est le Père Cepteur qui fit la quête, qui, remise à l'Abbé N P, économe du couvent, devait couvrir les frais de la couronne, d'après ce que dirent l'Abbé Néfice et l'Abbé Gum.
Puis le De Profundis fut chanté par l'Abbé Mol et l'Abbé Lière. Le Père Cussionniste ne pouvait retenir ses larmes dans une telle atmosphère.

A la sortie de la chapelle, une grande discussion s'éleva au sujet du meilleur chemin à prendre pour aller au cimetière : l'Abbé Cane ne voulait pas quitter la route, tandis que le Père Illeux voulait monter tout droit par la montagne, ainsi que l'Abbé Casse et le Père Dreau qui affectionnaient les chemins escarpés. Ce genre de sport ne déplaisait pas au Père Formant, à l'Abbé Stiole et à l'Abbé Bête, mais le Père Plexe hésitait. Le Père Quisiteur, qui collectait les opinions de chacun, s'interrogeait sur les dires de l'Abbé vue ; le Père Uvien n'y comprenait rien. Le Père Turbateur, le Père Sécuteur et le Père Siffleur animaient la discussion avec l'Abbé Ration. Le Père Imètre faisait les cent pas, le Père Iphérique tournait en rond et l'Abbé Cheuse faisait la tête. L'Abbé Cassine, l'Abbé Otienne et l'Abbé Tasse ignoraient tout de la question. Il fallut que le Père Spicace, le Père Tinent et le Père Suasif viennent les apaiser, mais seule la ténacité du Père Sistant et du Père Sévérant pu rétablir l'ordre. Le Père Nicieux, le Père Vers et l'Abbé Ligérance eux-mêmes durent renoncer à la discussion. Cependant que l'Abbé Névole courait de l'un à l'autre et que l'Abbé Attitude était de l'avis de tout le monde.

Au cimetière, dont les plantations sont entretenues par l'Abbé Gonia et l'Abbé Ladone, tous se rassemblèrent devant la fosse creusée par le Père Forant, le Père Sant et le Père Tuis. Le Père Pétuel et le Père Manent parlèrent de l'Éternité, tandis que l'assistance pleurait, en particulier le Père Clus, qui par la mort de l'Abbé Quille perdait son seul soutien. La dalle fut coulée par nos prêtres ouvriers, l'Abbé Tonnière et l'Abbé Dane. Le Père Lachaise ferma la porte du cimetière et ce fut un bien triste cortège qui reprit le chemin du monastère, derrière le Père Pendiculaire courbé de douleur comme une équerre.

De retour au couvent, chacun s'en fut souper. Le repas fut mélancolique : le Père Sil avait perdu toute sa fraîcheur, l'Abbé Chamelle, lui, n'avait jamais paru d'une telle blancheur et l'Abbé Teurave d'une telle rougeur. Le Père Collateur ne sifflait plus et l'Abbé Gayeuse ne pipait mot.

Tel est le deuil qui nous a frappé. Je suis convaincu, chers amis, que vous prendrez part à notre douleur, et je vous prie de croire au religieux dévouement de

l'Abbé Tise,
Père de la Trappe.

 

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