JEAN ITARD, AUX CARREFOURS DE L'EDUCATION

 

 

 

UNE ŒUVRE PEDAGOGIQUE EMBLEMATIQUE

 

 

Une figure singulière de la pédagogie moderne, au tournant du 18ème siècle : le docteur Jean-Marc Gaspard ITARD

 

Une entreprise éducative devenue emblématique : l'éducation de Victor, l'enfant sauvage de l'Aveyron. Une expérience fondatrice.

 

Deux textes importants pour l'histoire de la pédagogie :

 

Mémoire sur les premiers développements de Victor de l'Aveyron (1801)

 

Rapport sur les nouveaux développements de Victor de l'Aveyron (1806, imprimé en 1807).

 

Trois bonnes raisons de commencer notre approche de l'histoire éducative moderne par l'œuvre et la figure du Docteur Itard :

 

- Début d'un courant majeur : l'éducation de l'enfance inadaptée, déficiente, qui irriguera toute la réflexion éducative. En témoigne l'œuvre de Maria Montessori, qui écrira, en 1926 :

 

 

Il faut bien convenir que les descriptions minutieuses d'Itard furent les premiers essais de pédagogie expérimentale... J'ai accompli pour ma part mes expériences à Rome, sur les déficients, durant deux années, selon le livre de Séguin et faisant mon trésor des admirables tentatives d'Itard. Guidée par ses tests, je conçus et pu construire un abondant matériel... Dans les Mémoires d'Itard on voit que des moyens très proches de ceux sollicités par les initiatives de la psychologie scientifique ont réussi à transformer un individu, extra-social au point de paraître à la fois sourd-muet et idiot, en un homme qui entend et comprend le langage... Après que le temps eut ancré ma confiance en ces méthodes je quittai une activité consacrée aux handicapés pour me remettre à l'étude des œuvres de Séguin et de celles d'Itard. J'éprouvai le besoin de les méditer : je recopiai, en italien, leurs écrits, tout comme l'aurait fait, jadis, un Bénédictin. "

 

 

- Une œuvre développée dans une époque charnière, entre la belle assurance du rationalisme des Lumières, et le règne à venir de la Science triomphante ; entre Condillac et Auguste Comte. Itard, ou la pédagogie entre sciences et philosophie.

 

- Un travail et une pensée qui mettent à nu les problématiques les plus vives de l'entreprise éducative :

 

- Une volonté indéfectible d'éduquer : la conviction de l'éducabilité.

 

- L'esprit scientifique et expérimental au service de l'éducation.

 

- Une imagination pédagogique infatigable.

 

 

Mais aussi une œuvre qui connaît quelquefois le doute et s'interroge sur sa légitimité :

 

  • " Jusqu'où peut aller la volonté d'éduquer ? "

     

  • "  Quelles limites ne doit-elle pas franchir ? "

 

 

" Je reportai le bandeau sur les yeux, et les éclats de rire recommencèrent. Je m'attachai alors à l'intimider par mes manières, puisque je ne pouvais pas le contenir par mes regards. Je m'armai d'une des baguettes de tambour qui servait à nos expériences, et lui en donnai de petits coups sur les doigts lorsqu'il se trompa. Il prit cette correction pour une plaisanterie , et sa joie n'en fut que plus bruyante. Je crus devoir, pour le détromper, rendre la correction un peu plus sensible. Je fus compris, et ce ne fut pas sans un mélange de peine et de plaisir que je vis dans la physionomie assombrie de ce jeune homme combien le sentiment de l'injure l'emportait sur la douleur du coup. Des, pleurs sortirent de dessous son bandeau ; je me hâtai de l'enlever ; mais, soit embarras ou crainte, soit préoccupation profonde des sens intérieurs, quoique débarrassé de ce bandeau, il persista à tenir les yeux fermés. Je ne puis rendre l'expression douloureuse que donnaient à sa physionomie ses deux paupières ainsi rapprochées, à travers lesquelles s'échappaient de temps en temps quelques larmes. Oh! combien dans ce moment, comme dans beaucoup d'autres, prêt à renoncer à la tâche que je m'étais imposée, et regardant comme perdu le temps que j'y donnais, ai-je regretté d'avoir connu cet enfant, et condamné hautement la stérile et inhumaine curiosité des hommes qui, les premiers, l'arrachèrent à une vie innocente et heureuse ! "

Jean Itard, Rapport sur les nouveaux développements de Victor de l'Aveyron,

dans Lucien Malson, Les enfants sauvages, pp. 198/199

 

 

 

Pour nous, une œuvre où la responsabilité éducative et l'éthique s'inquiètent parfois de la rationalité pédagogique. Une rationalité guettée par le doute, malgré sa belle assurance ; marquée de cette " tension entre l'instrumentation didactique et l'interpellation éthique " que Philippe Meirieu décèle au cœur de la pédagogie.

 

 

  

LA VIE, L'ŒUVRE ET L'HERITAGE DE JEAN ITARD

 

 

(Source : Lucien MALSON, Présentation du Mémoire et rapport sur Victor de l'Aveyron par Jean Itard, dans Les enfants sauvages, Paris, UGE 10/18, 1964, pp. 119 et suivantes)

 

Naissance le 24 avril 1774.

 

Les circonstances historiques - la guerre révolutionnaire - révèlent en lui une passion pour la médecine.

 

Chirurgien au Val de Grâce en 1796. Un médecin qui a une vue scientifique et philosophique de la médecine.

 

Devient médecin-chef de l'Institution impériale des sourds-muets en 1800.

 

Son destin se noue là : un enfant sauvage, capturé dans une forêt de l'Aveyron, est remis à l'Institution. Itard entreprend aussitôt de l'éduquer. Le Mémoire de 1801 relate cette tentative.

 

 

Point capital : cette entreprise est un choix, un " pari " pédagogique et philosophique, contre l'opinion scientifique alors avérée. Chez Itard, la pédagogie est démonstration in vivo d'une philosophie, d'une anthropologie : c'est par la culture et l'éducation que l'homme devient homme.

 

La conviction philosophique et pédagogique de l'éducabilité du " sauvage " s'enracine dans le travail d'Itard auprès des enfants sourds-muets : la recherche obstinée d'une éducation méthodique pour sortir la déficience de la fatalité de la nature.

 

Itard, l'affirmation sans faille d'un principe absolu d'éducabilité. Un modèle pour tous ceux qui se préoccuperont de l'inadaptation et de l'éducation spécialisée.

 

Un héritage qui nourrit également le courant de l'éducation nouvelle.

 

Itard meurt le 5 juillet 1838. " Avec lui s'efface de la terre l'un des grands hommes de la médecine, de la pédagogie et de la psychologie ", écrit Lucien Malson (p. 125).

 

Ces traits seront ceux de plusieurs figures dominantes de l'éducation moderne : pédagogue et médecin, pédagogue et psychologue (Seguin, M. Montessori, H. Wallon, J. Piaget).

 

 

 

L'ENFANT SAUVAGE ET LA QUESTION DE LA NATURE HUMAINE

 

 

Le thème des enfants sauvages fascinent chacun d'entre nous ? Pourquoi ?

 

Et d'abord : mythe ou réalité ? Derrière la notion, un ensemble de faits réels, et convergents. Des récits, des observations qui commencent au moins au XIVème siècle (découverte de l'enfant-loup de la Hesse en 1344), et se multiplient surtout depuis le milieu du XVIIème siècle. (Cf Lucien Malson, Les enfants sauvages, chapitre III : Les trois espèces d'homines feri et leurs plus célèbres exemples, et le répertoire des cas pp. 72-75).

 

Mais aussi, une nouvelle conception philosophique de l'homme : l'homme est une histoire, l'humanité advient en se faisant, l'éducation est une anthropogenèse.

 

L'enfant sauvage, une figure légendaire dans notre culture ( Mowgli, Tarzan ...)

 

 

En fin de compte, la figure de l'enfant sauvage, c'est l'homme en quête de son identité, aux confins de la culture, là où elle bascule dans la nature. Et du coup une forte allégorie de l'éducation conçue comme anthropogenèse.

 

Trois figures légendaires fascinent et hantent notre culture : le primitif, le fou, l'enfant sauvage.

 

  • - le primitif : fascination de l'autre qui est le même. D'un commencement anthropologique commun aux cultures humaines. (Cf Claude Levi-Strauss, Tristes Tropiques) .

     

  • - le fou : l'envers de la raison, son autre (Cf Michel Foucault Histoire de la folie à l'âge classique).

     

  • - l'enfant sauvage : une figure que le mythe fait basculer hors culture. Une humanité retenue dans le cercle de la nature.

     

  •  

    LE PEDAGOGUE ET L'ENFANT SAUVAGE

     

     

    L'entreprise éducative de Jean Itard et les réflexions qui accompagnent les progrès, les difficultés, les échecs de l'éducation de Victor offrent autant d'occasion de méditer sur la nature et le pouvoir de la pédagogie :

     

    - une ambition philosophique et anthropologique. Le fameux " triangle pédagogique " théorisé par Jean Houssaye - l'élève, le maître, le savoir - y prend une signification anthropogénétique : la nature, le pédagogue, la culture. La nature de " passeur " et de démiurge du pédagogue s'y révèle : non pas transmettre la culture, mais aménager rationnellement des situations pour que le passage s'accomplisse. Ruser avec les résistances de la nature.

     

    - Car la " nature " résiste à l'éducateur. Itard le découvre. Et par exemple se résout à augmenter le temps de jeu et de promenade. Le Mémoire offre de nombreux exemples de cet ordre. Le film de François Truffaut y insiste.

     

    - Découverte des exigences relationnelles et affectives. Tout dans l'éducation n'est pas méthodique et rationnel. A la statue de Condillac on opposera le mythe de Pygmalion.

     

     

    On peut donc lire les Mémoires d'Itard, et plus encore sans doute le film qu'en a tiré François Truffaut, comme un hommage lucide au pédagogue, à ses grandeurs et ses contradictions, entre le " domestiquer " et " l'affranchir ". Une réflexion sur la responsabilité éducative suffisamment profonde et honnête pour ne pas asséner de leçons. Sans emphase philosophique ni triomphe méthodologique.

     

    Dans le film de Truffaut, l'hommage s'adresse autant à son action qu'à sa présence. Le pédagogue a selon le cinéaste ce privilège : d'être le témoin, le spectateur de l'inouï : " Chaque chose que fait Victor , note Itard, il le fait pour la première fois ". L'enfant sauvage est alors une allégorie de tout enfant qui apprend.

     

     

     

    DE L'EDUCATION SENSORIELLE ET INTELLECTUELLE A L'EDUCATION MORALE : LES MOYENS ET LES FINS

     

     

     

    Itard a le génie de l'invention, du bricolage pédagogique : il ne cesse d'inventer les outils concrets et les situations au service de son entreprise éducative et de sa passion pédagogique. Mais la fin justifie-t-elle toujours les moyens ? Jusqu'où peut aller l'ambition d'éduquer ? Quelles limites lui assigner ? En Itard, on découvre aussi un pionnier de l'éducation scientifique et expérimentale, et l'occasion de méditer sur les contradictions de la volonté de science dans le champ éducatif.

     

    Les méthodes d'apprentissage mises au point par le docteur Itard se fondent sur les œuvres de LOCKE et de CONDILLAC (1714-1780), sur la philosophie empiriste et sensualiste et sa conception de la connaissance et de son origine : Rien n'est dans l'esprit qui ne soit d'abord passé dans les sens.

     

     

     

    " I. - On doit aux travaux de Locke et de Condillac, d'avoir apprécié l'influence puissante qu'a sur la formation et le développement de nos idées, l'action isolée et simultanée de nos sens. L'abus qu'on a fait de cette découverte n'en détruit ni la vérité ni les applications pratiques qu'on peut en faire à un système d'éducation médicale. C'est d'après ces principes que lorsque j'eus rempli les vues principales que je m'étais d'abord proposées, et que j'ai exposées dans mon premier ouvrage, je mis tous mes soins à exercer et à développer séparément les organes des sens du jeune Victor.

     

    II. - Comme de tous nos sens l'ouïe est celui qui concourt le plus particulièrement au développement de nos facultés intellectuelles, je mis en jeu toutes les ressources imaginables Pour tirer de leur long engourdissement les oreilles de notre sauvage. Je me persuadai que pour faire l'éducation de ce sens, il fallait en quelque sorte l'isoler, et que n'ayant à ma disposition, dans tout le système de son organisation, qu'une dose modique de sensibilité, je devais la concentrer sur le sens que je voulais mettre en jeu, en paralysant artificiellement celui de la vue par lequel se dépense la plus partie de cette sensibilité. En conséquence, je couvris d'un bandeau épais les yeux de Victor, et je fis retentir à ses oreilles les sons les plus forts et les plus dissemblables. Mon dessein n'était pas seulement de les lui faire entendre, mais encore de les lui faire écouter. "

     

    Jean Itard, Rapport sur les nouveaux développements de Victor de l'Aveyron,

    dans Lucien Malson, Les enfants sauvages, p. 194-195

     

     

     

    Ce principes fixe la démarche : remonter méthodiquement de l'homme sensitif à l'homme moral, un peu à la façon de la statue de Condillac.

     

    En découlent les inventions de la méthode :

     

    - séparation, isolement des organes des sens séparés

    - gradation, progression des exercices

    - comparaison

     

    Mais il faut compter avec ce que Itard, chemin faisant, doit mettre en place pour faire face aux aléas et aux difficultés de l'éducation, et qui dérange le bel agencement rationnel :

     

    - le besoin de jeu et le plaisir

    - l'intimidation

    - les pressions physiques et les menaces

    - les " ruses " pédagogiques

     

    Ces " expédients " sèment le trouble et parfois un début de doute dans la détermination éducative du Docteur Itard.

    Car l'entreprise rencontrent des difficultés et des échecs de deux ordres :

     

    - Echecs et difficultés dus à la nature même de la capacité qu'il s'agit d'éduquer, et qui marquent les limites des thèses et des conceptions dont s'inspire Itard. Exemple : parler, lire - écrire. Du signal au signe linguistique, de l'ouïe à la parole, du déchiffrage à l'accès au sens, il y a comme un saut.

     

    - Echecs et difficultés inhérentes à l'entreprise éducative, surgis au sein même de l'acte éducatif. Du côté de l'élève, de son comportement ; mais aussi du côté du maître, de ses attitudes, et peut-être même de ses objectifs !

     

    Ces difficultés éclairent le risque inhérent à l'éducation : celui du dressage. Eviter que l'éducation ne tourne au dressage, cela l'éducateur doit l'obtenir contre lui-même (les habitudes, les apparences), mais aussi contre son élève.

     

    - Contre lui-même : " dresser " plutôt qu'éduquer sous prétexte d'efficacité.

     

    - Contre l'élève : il n'est pas facile d'être libre et autonome. Il y a du confort dans le conformisme.

     

    Et pourtant, l'éducation cesse là où commence le dressage. Pourquoi ? Parce que le postulat de la liberté est à la fois le fondement et la fin d'une authentique éducation. Difficulté centrale : la liberté de l'enfant est une liberté en devenir, un processus d'émancipation. D'où la tentation du dressage au nom de la liberté à venir.

     

    On poursuivra cette réflexion en analysant la façon dont Itard tente de s'assurer que Victor a bien acquis, grâce à l'entreprise éducative, l'un des sentiments humains les plus élevés : celui de la justice. (Cf. Jean Itard, Rapport sur les nouveaux développements de Victor de l'Aveyron, dans Lucien Malson, Les enfants sauvages, p. 194-195).

     

     

     

    CONCLUSION : SENS ET TENSIONS DE L'ENTREPRISE EDUCATIVE

     

     

    Affirmation de grands principes qui sont au fondement de l'entreprise éducative et de la responsabilité du pédagogue :

     

    - Reconnaissance et respect de l'enfant, de l'autre comme enfant, comme conviction d'une éducabilité toujours ouverte, et d'une singularité irréductible

     

    - Goût pour l'énigme de l'apprentissage, conscience émerveillée de ce qui sépare l'enfant naissant de l'adulte le plus ordinaire

     

    - Passion de l'invention, du " bricolage " didactique (pourvu que le moyen soit bien connu pour ce qu'il est !)

     

    Mise en lumière des exigences, mais aussi des tensions, des contradictions au cœur de toute pédagogie.

    Il arrive que ITARD doute et s'interroge, et que nous nous interrogions avec lui sur le sens et les limites de sa volonté et de son entreprise :

     

    Jusqu'où peut aller la volonté d'éduquer ?

    Quelles limites ne doit-elle pas franchir ?

    Les moyens d'éduquer sont-ils toujours conformes aux fins ?

    La volonté d'éduquer est-elle toujours pleinement fondée ?

    Une pédagogie doit-elle se vouloir " scientifique " ? " Expérimentale " ?

     

    D'une façon générale, ces interrogations soulignent qu'une inévitable tension est inscrite au cœur même de la pédagogie, entre les fins et les moyens, entre " l'instrumentation didactique " qui veut les moyens de la réussite, et " l'interpellation éthique " rappelant à l'éducateur sa responsabilité à l'égard de la seule fin qui vaille pleinement : la liberté.

     

    Le philosophe et pédagogue allemand Herman NOHL (1879-1960) formulait cette idée en des termes qui évoquent bien la figure de Jean Itard, et par-delà la tension qui habite la pédagogie :

     

    Le rapport de l'éducateur à l'enfant est toujours double : de l'amour pour lui dans sa réalité, et de l'amour pour son but, l'idéal de l'enfant, les deux étant non séparés mais unis ; faire un enfant à partir de ce qui est faisable en lui, attiser en lui la vie supérieure, le mener aux performances qui y sont liées, non pas à cause de la performance, mais parce que la vie de l'homme s'accomplit en elle "

     

    Herman NHOL, cité par Christof WULF,

    Introduction aux sciences de l'éducation, Paris, A. Colin, 1995, p. 39)

     

    Le dernier plan du film de Truffaut en donne une image particulièrement forte.

     

     

     

    RESUME

     

    MESURER LES EXIGENCES ET LES TENSIONS INHERENTES A L'EDUCATION

     

     

    L'œuvre pédagogique de Jean ITARD met en lumière quelques-unes des problématiques les plus vives de l'éducation. Elle en pose les principes tout en affrontant ses limites et ses contradictions.

     

     

    PRINCIPES, EXIGENCES 

    1. Principe d'éducabilité. Itard est animé d'une volonté indéfectible d'éduquer, reconnaît et respecte dans l'enfant - dans l'autre comme enfant - une perfectibilité humaine, une éducabilité toujours ouverte.

       

      Affirmation de l'éducation et de l'apprentissage comme anthropogenèse. " L'homme est la seule créature qui doive être éduquée ", écrivait avant ITARD Emmanuel KANT dans son cours de pédagogie (Réflexions sur l'éducation, Vrin, p. 69). D'où le goût pour cette " énigme de l'apprentissage " si vif chez les pédagogues : Comment apprend-on ?

       

      Affirmation de l'unité et de l'exhaustivité de l'éducation : des sens et du corps aux sentiments moraux, l'éducateur a charge de la totalité de l'enfant, de l'ensemble des dimensions de l'éducation.

       

       

    SENS ET TENSIONS

    Et pourtant il arrive que ITARD doute et s'interroge, et que nous nous interrogions sur le sens et les limites de sa volonté et de son entreprise :

     

    Jusqu'où peut aller la volonté d'éduquer ?

    Quelles limites ne doit-elle pas franchir ?

    Les moyens d'éduquer sont-ils toujours conformes aux fins ?

    La volonté d'éduquer est-elle toujours pleinement fondée ?

    Une pédagogie doit-elle se vouloir " scientifique " ? " Expérimentale " ?

     

    D'une façon générale, ces interrogations soulignent qu'une inévitable tension est inscrite au cœur même de la pédagogie, entre les fins et les moyens, entre " l'instrumentation didactique " qui veut les moyens de la réussite, et " l'interpellation éthique " rappelant à l'éducateur sa responsabilité à l'égard de la seule fin qui vaille pleinement : la liberté.