Mia avino mortis dum 1999, sed s'i naskig'is dum
1906. S'i lernis la francan lingvon lerneje, kiel fremdan
lingvon, kvankam siaj gepatroj, sia familio kaj sia vilog'o
estas francaj, kaj en iu francega departemento ekde
almenaù la Revolucio de 1789 : la "Haute-Garonne"
[ot-garon] (Alta Garono) numero 31.
Dum la XXa jarcento, la jarcento de mia avino, tiu vilag'o
nomig'is "Lespugue" [Lespüg]. G'i estas
ankoraù g'ia nomo hodiaù, kaj s'ajnas ke dum
c'iuj tempoj homoj s'atis g'ian interesan situon proksime de
la gorg'oj de la "Save" [Sav]. Mezepoko lasis tie
belajn vestig'ojn, Gaùloj ankaù kaj c'efe la
prahistoria homo donacis al la hodiaùaj long'antoj
statueton nomatan "Venuso
de Lespugue [Lespüg]", kaj kiu tronas ne
nur en c'iuj priartaj libroj de la planedo, sed ankaù
sur la aktuala placo de la vilag'o.
Tiu vilag'o, monde konata kiel vi konstatas, ne parolis
france, almenaù kiam mia avino naskig'is. Kiel c'iuj
vilag'oj de Francio, g'iaj log'antoj estis uzantaj sian
komunan lingvon, heredatan de siaj gepatroj kaj prilaborata
de la jarcentoj, la historio kaj la kampaj laboroj.
Kompreneble, por la administradaj agoj, kaj la notario, la
lingvo de Parizo (la franca) aùtentikigis. Sed
porc'iutage, ili ne bezonas g'in. Sur la bazaroj, en la
familiaj kunvenoj, por direkti la c'evalojn kaj aliajn
brutarojn, por diri rakontojn c'e la fajr-angulo aù
en la c'iutaga vivo, ili estis uzantaj sian gepatran
lingvon, sen zorgi pri skribi g'in.
Sed la XXa jarcento faris sian laboron de unuformigado ; sub
la patroneco de la s'tata lernejo kaj de Jules Ferry
[J'ul Feri], ciuj junaj vilag'anoj de Francio estis
premdevigataj lerni la francan lingvon, kaj progresive,
helpataj de la televido kaj de la fug'o al la urbo, ili
estis devigataj uzi la francan por sia c'iutaga vivo. Ili ne
plu uzis la lingvon de sia patrino, de sia avino kaj de siaj
prauloj. Tio sufic'is por ke ili ne parolis pri g'i al siaj
gefiloj, kiuj malkovris tre malfrue ke g'i ekzistis. Des pli
ke la "dialekto", kiel estis dirantaj la popoloj instruitaj,
ric'aj kaj influaj de la XXa jarcento, estis sinonimo de
maljuna, devancata, kampula, nelaùmoda, ne sufic'e
universala, limigata en sia kapablo priskribi la modernan
mondon, ktp.
Dum tiu komenco de XXIa jarcento en "Lespugue"
[Lespüg], c'iuj log'antoj parolas la francan,
sed la plej maljunal de la generacio de mia avino
ankoraù scias sian gepatran lingvon. Ili ne estas
multaj ; deko eble. Estas urg'e tempo por paroligi ilin kaj
fiksi la plej bone ne nur tiun "parol-dialekton", sed
ankaù la tutan kulturon kiun g'i vehiklas. Homaro
estas ric'a kaj bela dank'al la diverseco de siaj kulturoj,
kaj kiam unu lingvo forpasas, iom da homeco forpasas.
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Ma grand-mère est morte en 1999, mais elle
était née en 1906. Elle a appris le
français à l'école, comme une langue
étrangère, bien que ses parents, sa famille et
son village soient français, et dans un
département bien français depuis au moins la
Révolution de 1789 : la Haute-Garonne (31).
Au XX° siècle, le siècle de ma
grand-mère, ce village s'appelait Lespugue. C'est
toujours son nom aujourd'hui, et il semble que de tous temps
des humains ont aimé sa situation intéressante
non loin des gorges de la Save. Le Moyen Age y a
laissé de beaux vestiges, les gaulois aussi et
surtout l'homme préhistorique a fait cadeau aux
habitants d'aujourd'hui d'une statuette appelée
"Venus de
Lespugue", et qui trône non seulement dans tous
les livres d'art de la planète, mais aussi sur la
place actuelle du village.
Ce village, mondialement connu comme vous le constatez, ne
parlait pas français, du moins lorsque ma
grand-mère est née. Comme tous les villages de
France, ses habitants utilisaient leur langue commune,
héritée de leurs parents et
façonnée par les siècles, l'histoire et
les travaux des champs. Bien sûr, pour les actes
administratifs, et le notaire, c'est la langue de Paris (le
français) qui faisait foi. Mais pour tous les jours,
ils n'en avaient pas besoin. Sur les marchés, dans
les réunions de famille, pour diriger leurs chevaux
et autres bestiaux, pour raconter des histoires au coin du
feu le soir, ou dans la vie de tous les jours, ils
utilisaient leur langue maternelle, sans se
préoccuper de l'écrire.
Mais le XX° siècle a fait son travail
d'uniformisation ; sous l'égide de l'école
publique et de Jules Ferry, tous les petits villageois de
France ont été contraints d'apprendre la
langue française, et progressivement, la
télévision et l'exode vers la ville aidant,
ils ont été obligés d'utiliser le
français pour leur vie quotidienne. Ils n'ont plus
utilisé la langue de leur mère, de leur
grand-mère et de leurs ancêtres, ils n'en
avaient pas besoin et ils l'ont un peu oubliée.
C'était suffisant pour qu'ils n'en parlent pas
à leurs enfants, qui ne découvrirent que fort
tard qu'elle existait. D'autant plus que le "patois", comme
disaient les gens instruits, riches et influents du XX°
siècle, était synomyne de vieux,
dépassé, paysan, pas à la mode, pas
assez universel, limité dans sa capacité
à décrire le monde moderne, etc.
En ce début de XXI° siècle à
Lespugue, tous les habitants parlent français, mais
les plus vieux de la génération de ma
grand-mère connaissent toujours leur langue
maternelle. Ils ne sont pas très nombreux ; une
dizaine peut-être. Il est grand temps de les faire
parler et de fixer autant que faire se peut non seulement ce
"parler", mais aussi toute la culture qu'il véhicule.
L'humanité est riche et belle par la diversité
de ses cultures, et lorsqu'une langue meurt, c'est un peu
d'humain qui disparaît.
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