ISPEF Lyon 2.

Licence Sciences de l'éducation. 1999/2000.

Cours de Alain KERLAN

 

APPROCHE DES DISCIPLINES DE L'ENSEIGNEMENT PRIMAIRE

 

 

PREMIERE PARTIE. L'ÉCOLE AUJOURD'HUI : PROGRAMMES,DISCIPLINES, OBJECTIFS, ENJEUX.

L'ÉCOLE ÉLÉMENTAIRE. ACTIVITÉS, APPRENTISSAGES, FINALITÉS.

L'ÉCOLE MATERNELLE. DE L'ENFANT À L'ÉLÈVE.

ÉVOLUTIONS RENOVATIONS ET MUTATIONS.

 

DEUXIEME PARTIE : LA NOTION DE "DISCIPLINE" ET LES SAVOIRS SCOLAIRES EN PERSPECTIVE.

LIRE-ÉCRIRE : LES DÉFIS D'AUJOURD'HUI.

QUELLE ÉDUCATION SCIENTIFIQUE ?

FORMER DES CITOYENS

IMAGINER, CRÉER, ÉVEILLER : L'ÉDUCATION ARTISTIQUE.

LE CORPS ÉDUQUÉ.

 

CONCLUSION. L'ENSEIGNEMENT PRIMAIRE AUJOURD'HUI : PROBLÈMES ET DÉFIS.

 

  

 

BIBLIOGRAPHIE GENERALE DE BASE
 

MINISTERE DE L'EDUCATION NATIONALE, Programmes de l'école primaire, CNDP , col. Une école pour l'enfant des outils pour les maîtres, Paris, 1995.

MINISTERE DE L'EDUCATION NATIONALE, Le projet d'école, CNDP  Hachette Ecoles, col. Une école pour l'enfant des outils pour les maîtres, Paris, 1992.

MINISTERE DE L'EDUCATION NATIONALE, Les cycles à l'école primaire, CNDP  Hachette Ecoles, col. Une école pour l'enfant des outils pour les maîtres, Paris, 1991.

Josette TERRIEUX, Régine PIERRE, Norbert BABIN, Programme Projets Activités pour l'école maternelle, Hachette Education, col. L'école au quotidien, Paris, 1996.

Norbert BABIN, Programmes et pratiques pédagogiques pour l'école élémentaire, Hachette Education, col. L'école au quotidien, Paris, 1996.

Antoine PROST, L'école et la famille dans une société en mutation, in L'enseignement et l'éducation en France, sous la direction de L.-H. PARIAS, volume 4 , Nouvelle Librairie de France, 1991 (particulièrement ch. III : La maternelle pour tous et ch  IV : L'école élémentaire).

Michel DEVELAY (sous la direction de), Savoirs scolaires et didactiques des disciplines, une encyclopédie pour aujourd'hui, Paris, ESF, 1995.

Laurence CORNU et Alain VERGNIOUX, La didactique en questions, CNDP Hachette Education, col. Ressources formation Enjeux du système éducatif, Paris, 1992.

André CHERVEL, " L'histoire des disciplines scolaires : réflexions sur un domaine de recherche ", in Histoire de l'éducation, nƒ 38, mars 1988, INRP.

Guy VINCENT, L'école primaire française, Presses Universitaires de Lyon, 1980

* * *

A consulter pour une approche pédagogique des disciplines et des domaines d'activités de l'école primaire, la collection Formations des enseignants, chez Armand Colin. Par exemple :

E. DANY et col , L'école maternelle, première école.

D. LAGOUTTE, Les arts plastiques, contenus, enjeux et finalités.

B. GROMER et M. WEISS, Dire, écrire.

B. GROMER et M. WEISS Lire (tome 1 : apprendre à lire tome 2 : être lecteur).

 

PREMIERE PARTIE : L'ÉCOLE D'AUJOURD'HUI : PROGRAMMES, DISCIPLINES , OBJECTIFS, ENJEUX.

 

 

  

A) L'ÉCOLE ÉLÉMENTAIRE. ACTIVITES, APPRENTISSAGES, FINALITES

 

 

 

1) Exemples d'emploi du temps au cycle 2 et au cycle 3

Cf. Norbert BABIN, Programmes et pratiques pédagogiques pour l'école élémentaire, Hachette Education, col. L'école au quotidien, Paris, 1996, p.43, p. 45.

Que peut-on y remarquer ?

- La mention de quelques " disciplines ", au sens traditionnel (" mathématiques "), mais surtout :

- Des domaines d'activités (" pratique orale de la langue ", " calcul réfléchi ", " production d'écrits "), des préoccupations éducatives (" éducation civique "), des approches globales (" découverte du monde " : l'espace, le temps, le vivant, la matière, les objets).

- Des formes pédagogiques particulières : " bilan projets ", " études dirigées ".

- La place et l'importance de l'éducation physique et sportive.

- Une organisation réfléchie un quadrillage, un découpage méticuleux du temps des activités et des apprentissages (qui peut paraître à certains égards en opposition avec la globalisation et la continuité de la durée " vivante " de la classe).

- Une différenciation progressive des disciplines (de la " découverte du monde " en cycle 2 aux " sciences et technologie ", " histoire et géographie du cycle 3).

- La recherche d'une autonomie croissante de l'élève.

- Le souci affiché de l'expression.

 

2) Sous l'emploi du temps, les visées éducatives de l'école élémentaire.

La lecture des emplois du temps suffit déjà à dégager des éléments très significatifs :

- Des enseignements qui visent à une exhaustivité éducative : domaine du corps, de l'éducation intellectuelle, de l'éducation civique, de l'expression et de l'imagination…

- Des disciplines, certes, mais aussi et d'abord des approches globales, des activités de découverte. Les " disciplines " se différencient progressivement. La " logique éducative " ne se réduit pas à la " logique encyclopédique ".

- Une diversité de disciplines et d'activités, certes, mais une unité éducative et pédagogique postulée. L'ensemble des " disciplines " veut être orienté vers l'acquisition de grands objectifs communs et la visée de finalités communes. L'intégration au programme d'une " discipline " nouvelle (langue vivante, nouvelles technologies, par exemple,) doit donc prouver sa " légitimité éducative " à cet égard.

- Des objectifs pédagogiques qui ne sont pas exclusivement des objectifs d'acquisition de connaissances, mais des objectifs de maîtrise de compétences, de " savoir-faire " et de " savoir-être " (on parlera par exemple de " compétences orthographiques ").

- L'importance croissante de l'aide au travail, de " l'appendre à apprendre " de " l'apprentissage méthodologique ". Elle signale l'une des mutations majeures de l'école primaire, premier étage, base d'un système éducatif dans lequel l'enseignement du second degré doit devenir un enseignement pour tous. L'école primaire doit être regardée dans la perspective de l'entrée de tous les élèves au collège.

- On notera encore que la liberté d'initiative pédagogique laissée aux enseignants s'inscrit néanmoins dans un cadre national très précis, qui fixe les horaires et les programmes, définit les objectifs et les finalités. L'enseignement, et l'enseignement primaire tout particulièrement, constitue un enjeu politique et social. C'est vrai de tout pays, c'est particulièrement vrai en France, où l'école a été pensée et posée (CONDORCET), comme une exigence propre à la République et à l'exercice de la citoyenneté.

On peut enfin et au total se demander si l'école d'aujourd'hui n'est pas prise entre deux logiques : une logique héritée, celle d'une école qui était la seule école pour tous, une école de la " discipline " au double sens du mot, et une autre logique, celle d'une école encore en gestation. Dans l'école d'aujourd'hui perdurent et résistent ainsi des traits d'une forme scolaire héritée, tandis qu'émergent les traits d'une autre forme à venir.

 

3) Finalités et objectifs de l'école élémentaire.

Introduction aux programmes de l'école élémentaire, Arrêté ministériel du 22.02.95

De cet arrêté fixant les objectifs et les programmes, on soulignera particulièrement :

- Le cap fixé sur la scolarité ultérieure : le collège, détermine l'objectif central : " permettre à chaque élève de construire progressivement les apprentissages que requiert sa scolarité ultérieure " ( il lui faut en effet nécessairement " intégrer les savoirs, savoir-faire, et méthodes de travail personnel indispensables au collège ") ; il faut dans le même esprit aider l'élève à " acquérir les premiers éléments d'autonomie intellectuelle et la capacité de se repérer dans une structure scolaire nouvelle ".

- L'exigence de " socialisation " et d'intégration sociales et culturelles : il faut que l'élève commence à " s'approprier les bases culturelles et les valeurs constitutives de notre société ".

- L'organisation de la scolarité en cycles pluriannuels : 1) cycle des apprentissages premiers (les sections de l'école maternelle) ; 2) cycle des apprentissages fondamentaux (grande section de maternelle, CP, CE1) ; 3) cycle des approfondissements (CE2, CM1, CM2). Ce nouveau découpage destiné à englober et dépasser la répartition en classes veut d'abord être une prise en compte de la diversité des élèves et de leurs rythmes d'apprentissage, " sans perdre de vue les objectifs communs à tous ".

- L'affirmation d'une instance éducative nouvelle, par-delà l'unicité du maître dans sa classe : l'équipe enseignante, en charge de la " continuité d'ensemble " des apprentissages, des progressions, de la liaison intra et inter cycle(s) : " chaque enseignant doit connaître les démarches et objectifs des cycles qui encadrent celui où il exerce ".

- La réaffirmation de la polyvalence des maîtres, " spécificité de l'école primaire ". Deux principaux arguments s'ajoutent aux arguments psychologiques (un seul maître) et pédagogiques (unité éducative réelle) habituels, ou les renforcent : 1) le maître polyvalent seul à compétence pour faire appel à " plusieurs disciplines pour construire ou conforter un apprentissage ", pour mettre en œuvre " des activités diversifiées, mais coordonnées, concourant au même objectif ", qu'il s'agissent d'apprentissages notionnels ou d'apprentissages méthodologiques ou comportementaux ; 2) le maître polyvalent est mieux à même de prendre en charge l'acquisition de ces compétences transversales (dont la maîtrise de la langue est la toute première) que l'école met dorénavant au cœur de ses objectifs.

- Organisation en cycles, équipe enseignante, projet de cycle, compétences transversales, mais aussi projet d'école : la philosophie éducative de l'école d'aujourd'hui s'exprime notamment dans l'articulation de ces notions indissociables.

- La reconnaissance et l'acceptation de la diversité effective des élèves appellent et justifient la diversité des formes pédagogiques du travail et de l'organisation de la classe. 1) Ainsi, " le mode de répartition des élèves au sein de l'école peut varier en fonction des besoins ". Les décloisonnements entre classes redistribuent ponctuellement la diversité des élèves pour des activités spécifiques, et mettent à profit " les échanges de compétences entre les maîtres ". 2) De même, il appartient au maître de varier et diversifier les situations et les formes d'apprentissage : travail collectif, travail individuel, travaux par petits groupes, homogènes ou non, groupes de niveaux.

- L'arrêté de 1995 précise dans cet esprit la mission, la " responsabilité des maîtres " dans l'école d'aujourd'hui : " il incombe au maître de la classe de faire le choix des démarches pédagogiques liées à la diversité des élèves " en visant trois domaines d'apprentissages essentiels :

- Maîtrise des langages de base (" langue française en priorité, mathématiques, mais également langues vivantes, langages artistiques, langages du geste et du corps ").

- Education civique.

- Méthodes de travail personnel et acquisition progressive de l'autonomie.

 

- Dès lors, la mission du maître s'inscrit dans la perspective d'une pédagogie de la réussite. " L'un des moyens privilégiés pour déterminer les meilleures stratégies d'apprentissage consiste à analyser collectivement les raisons d'une réussite, d'une difficulté ou d'un échec ". L'importance accordée aujourd'hui à l'évaluation doit également être envisagée dans cette perspective : " le développement d'une pratique régulière de l'évaluation permet une connaissance plus objective de l'élève et un pilotage de classe mieux assuré ".

- L'arrêté de 1995 définit au total " des programmes allégés et recentrés " dont la nature et les contenus ne vont pas sans déplacer de façon significative la notion de " discipline " et substituent clairement des logiques éducatives à la logique encyclopédique. " Les programmes des différentes disciplines n'ont pas, en fait, le même statut ". Français, mathématiques, arts, éducation physique et sportive sont ainsi regroupés - pour certaines de leurs dimensions au moins - dans un ensemble dit des " langages de base ", tandis que " le champ des disciplines relatives à la découverte du monde " participe au côté de l'éducation physique à l'acquisition de " repères ". En d'autres termes, " les programmes ne sauraient donc être enseignés de façon encyclopédique " mais bien selon les visées éducatives spécifiques de chaque domaine, et même selon les objectifs d'ensemble du cycle concerné : l'enseignement scientifique, à titre d'exemple, " est une initiation à la démarche expérimentale au service d'une culture générale ouverte à la connaissance scientifique ", et c'est au cycle 3 qu'il appartient d'introduire " les premiers concepts et les démarches propres aux disciplines qui structureront la scolarité au collège ".

- Au " noyau dur " de ces programmes ainsi " recentrés " s'agrègent enfin " trois domaines qui prennent une importance croissante à l'école et dans la société " : la lecture et l'utilisation de ressources documentaires, le domaine de l'image et celui de l'informatique.

- On notera enfin qu'aux programmes se superpose (ce qui ne signifie pas qu'elle s'y substitue) une liste de compétences à acquérir aux cycles. Cette liste est présentée comme " un outil à la disposition des équipes d'enseignants destiné à faciliter la mise en œuvre de l'organisation en cycles ". Les compétences intègrent les programmes dans l'organisation fonctionnelle de l'école primaire en cycles pédagogiques pluriannuels. Pour bien comprendre la portée éducative d'une discipline ou d'un domaine disciplinaire, il faut donc toujours la référer au cycle concerné et aux compétences visées. Trois types de compétences sont distinguées :

- Des compétences transversales (attitudes, concepts fondamentaux d'espace et de temps, acquisitions méthodologiques).

- Des compétences dans le domaine de la maîtrise de la langue.

- Des compétences disciplinaires proprement dites ("à la fois des savoirs et des méthodes ".

  

4) Sous les " programmes " et les " disciplines ", une politique éducative

En dernier ressort, tout programme scolaire, tout choix " curriculaire ", engage une philosophie politique de l'éducation, selon les objectifs et les finalités visés.

L'école primaire contemporaine est ainsi portée par une philosophie politique exprimée dans la loi d'orientation sur l'éducation de 1989 (loi nƒ 89-486 du 10 juillet 1989).

Ce caractère de " philosophie politique " s'affirme dès l'article premier : " L'éducation est la première priorité nationale ". Ce service public " contribue à l'égalité des chances ". Le développement de la personnalité, l'insertion sociale et professionnelle, l'exercice de la citoyenneté y sont posés comme les tout premiers buts.

Sous le chapitre intitulé " Les missions et les objectifs fixés par la nation ", le Rapport annexé à la loi d'orientation de 1989 résume les objectifs que se donnent la politique éducative de la nation et les principes qui l'orientent :

- " respect des principes fondamentaux d'égalité, de liberté, et de laïcité " ;

- garantie du droit à l'éducation pour " tous les enfants et les jeunes qui vivent sur le territoire national " ;

 

- formation des femmes et des hommes " de demain " : l'école prépare aujourd'hui pour demain. Elle doit former les hommes et les femmes capables d'engager le " renouvellement nécessaire " ; si la formation des personnes est au cœur du système éducatif, il faut néanmoins rappeler que " l'école a aussi pour vocation de participer à l'adaptation permanente des femmes et des hommes aux évolutions sociales, technologiques et professionnelles de notre société ". On notera que la loi juxtapose dans des formules lourdes d'ambiguïté une conception " humaniste " et une conception " fonctionnelle " de l'école.

 

- Responsabilité personnelle, civique, professionnelle, capacités d'adaptation, créativité et solidarité : c'est pour assurer le développement de ces aptitudes et compétences nécessaires que " l'éducation doit développer chez le jeune le goût de créer, d'exercer des activités culturelles et artistiques et de participer à la vie de la cité ".

- Contribution à l'égalité des chances. C'est dans cette perspective qu'il faut situer les objectifs affirmés de lutte contre l'exclusion scolaire, de réduction des inégalités d'origine géographique, le développement des actions médico-sociales et de l'éducation pour la santé, comme le choix de l'intégration scolaire et sociale des enfants et des adolescents handicapés.

Chaque niveau d'enseignement, dans sa conception et ses modalités propres, participe dès lors à la réalisation de ces objectifs. On retiendra notamment :

Pour l'école maternelle : permettre aux jeunes enfants de " développer la pratique du langage ", " d'épanouir leur personnalité naissante par l'éveil esthétique, la conscience de leur corps, l'acquisition d'habiletés et l'apprentissage de la vie en commun " ; mais aussi participer au " dépistage des difficultés ".

Pour l'école primaire : apprentissage des bases de la lecture, de l'écriture et du calcul. Mais aussi : prise de conscience de : du temps et de l'espace, des " objets du monde moderne ", de son propre corps. Quant à l'initiation à une langue étrangère, elle " contribue à l'ouverture sur le monde ".

On notera que le collège, qui " accueille l'ensemble d'une classe d'âge ", est présenté comme un prolongement de l'école primaire : " il a pour mission d'approfondir les apprentissages de l'école primaire et de parfaire la maîtrise de la langue sous toutes ses formes, grâce à des démarches pédagogiques répondant à la diversité des élèves ". Même les disciplines y sont d'abord référées à l'apprentissage du raisonnement et de l'observation.